À la rencontre d’Elsa, entrepreneure derrière Tunnel Espresso Bar

Pour beaucoup, le centre-ville est synonyme de business, de travail, de stress ; de tours de bureaux, de gens pressés, de repas avalés sur le pouce. Mais le centre-ville a une âme, et des centaines de personnes incroyables travaillent fort, à chaque jour, pour faire battre son cœur. La chaleur humaine, même si elle semble parfois cachée entre deux blocs de béton, irradie plus que jamais au centre-ville.

Pour savoir qui se cache derrière ces artisans du bonheur, vous êtes à la bonne place! Aujourd’hui, nous vous présentons Elsa, la jeune entrepreneure derrière les quatre boutiques du Tunnel Espresso Bar.

L’Australie, une révélation

Elsa est d’origine Française ; elle est arrivée à Montréal il y a maintenant douze ans. C’est toutefois en Australie qu’elle découvre la job de barista, et qu’elle tombe en amour avec l’univers du café. Elle décide alors de s’y consacrer et, de formations en stages, de bénévolats en évènements, elle côtoie les plus grands et développe son art. De la Canadian Roasting Society au East Coast Coffee Madness, le café third-wave n’a plus de secrets pour elle.

Fin 2017, elle a la chance de rejoindre l’équipe de Kittel, le torréfacteur montréalais ; cette expérience achève de l’ancrer sur la scène du café québécoise, et montréalaise en particulier. Les étoiles s’alignent et, quand l’opportunité se présente de reprendre les rênes du Tunnel, Elsa n’hésite pas. Accompagnée de Yann et Dave, ses deux partenaires, elle se lance dans l’aventure ; comme elle le dit en riant, ils sont un peu les Trois Mousquetaires! Les trois complices sont désormais derrière les quatre comptoirs du Tunnel Espresso Bar – tous situés au centre-ville.

Le Tunnel, vous connaissez forcément : en plus des deux comptoirs situés dans les tunnels de Place Ville-Marie et de la Gare Centrale, l’équipe est derrière le bar à espresso du Time Out Market. Et ce sont eux, toujours, qui gèrent le café situé au deuxième étage de la libraire Indigo, dans le centre d’achats Place Montréal Trust.

Le centre-ville, une évidence

Pour Elsa, il n’a jamais été question d’être ailleurs qu’au centre-ville ; comme elle le dit elle-même,  « l’ADN du Tunnel, c’est le centre-ville ». Le plus important, selon elle, a été de reconnecter avec les travailleurs suite à la pandémie. Il fallait redonner le goût de la ville ; aider à retrouver des petites habitudes, des petits plaisirs qui font que l’on est content de sortir de chez soi et d’aller travailler. Elsa aime son lieu de travail, son environnement ; comme elle l’explique, la Gare Centrale, c’est son petit quartier! Pharmacien, serrurier… tous les commerçants se connaissent, se serrent les coudes : « ici, c’est l’esprit village! ».

Il en va de même avec les clients : la plupart sont des habitués, et tout le monde semble se connaître depuis toujours. Elsa salue bon nombre de passants par leur prénom, prend des nouvelles. Elle connaît leurs goûts mais aussi leurs histoires, en parle avec affection. On sourit à l’évocation de Linda, qui vient une fois par semaine acheter le café préféré de son fils. Et cela marche dans les deux sens: chaque client a ses baristas favoris! Amira, Laura, Josh, Florian, Victoria, Maria, Santiago, Cédric… une équipe à échelle humaine, avec qui cela fait du bien d’échanger quelques mots après deux ans de pandémie. Une équipe multiculturelle, aussi – à l’image de Montréal.

Dans ces tunnels parfois un peu impersonnels, on redécouvre une chaleur et humanité que l’on a parfois pensé perdues. « On ne sauve pas des vies, mais on est un peu les psychologues du centre-ville! On essaie d’apporter une vraie valeur locale, de bâtir un lien avec les gens qui travaillent ici ». Elsa elle-même ne reste pas dans son bureau, à diriger à distance ; elle met un point d’honneur à être toujours sur place et à servir les clients avec son équipe. « Les gens ont besoin de garder le contact, de voir la propriétaire. Nous ne sommes pas une franchise – c’est la même personne derrière les quatre cafés. Il faut savoir de quoi on parle, rester sur le terrain pour être capable de s’adapter ».

Le centre-ville et ses défis

Ce qu’Elsa préfère au centre-ville, c’est l’effervescence ; la vie qui grouille, le bourdonnement des activités. Pour elle, ouvrir un café, c’était forcément sur un mode « comptoir » : « Je voulais un endroit chaleureux, mais qui réponde aux problématiques du centre-ville. Il faut aller vite, proposer des choses qui s’emportent facilement, mais sans perdre ni la qualité, ni la relation au client ». C’est un challenge, mais un challenge qui pousse à innover. L’équipe n’a pas peur de se remettre en question, et se réinvente constamment pour faire face aux nouveaux enjeux : « On essaie d’être à l’écoute, on ne prend jamais les choses pour acquises ». 

Il y a eu la pandémie, bien sûr : pas facile de vendre des cafés à des employés qui restent chez eux, en télétravail. La boutique a donc évolué et propose désormais des sacs de café en grain, afin que chacun puisse retrouver chez soi une boisson de qualité, aux arômes incomparables. Un moyen de garder le contact avec des clients fidèles, mais qui ne se déplacent plus tous les jours.

Autre défi, et non des moindres : l’interdiction des plastiques à usage unique, qui approche à grands pas! Dans cette démarche, l’équipe est accompagnée par le GUTA, un guichet pour la transition alimentaire. L’organisme offre ainsi un accompagnement avec une experte en environnement ; elle va identifier les points à améliorer, aider à créer des outils de communication pour encourager le réutilisable, et bien sûr former le personnel.

Spoiler alert : Elsa travaille même sur des tasses réutilisables aux couleurs du Tunnel. Le premier produit dérivé d’une future série?

Elsa, ou l’amour des produits locaux

Cela dit, comment se démarquer au centre-ville, un quartier qui compte déjà bon nombre de cafés?

Tout d’abord, en proposant des cafés de spécialité (specialty coffee) ; Elsa se positionne pour proposer autre chose que des cafés « à l’américaine » (de grands formats, très sucrés). Ici, le café se déguste sans artifices! Et, au Tunnel, même un simple café filtre se transforme en un savoureux produit de dégustation. Deux options s’offrent au client : le mélange classique de la maison, ou le mélange invité – plus aventureux dans les notes. Celui que nous avons eu la chance de goûter, aux accents fruités et floraux, était effectivement très original, et assez incroyable.

Surtout, on est clairement dans l’esprit de la third-wave, qui promeut le terroir et l’approvisionnement. Le Tunnel se veut une vitrine pour les torréfacteurs locaux. Elsa connaît ses partenaires ; elle sait d’où vient le café qu’elle sert et tient à travailler avec de bons produits. Chaque mois, un nouveau torréfacteur est présenté en boutique ; un évènement est organisé pour le lancement, et les produits de l’invité sont mis en avant par l’équipe. « Je nous vois un peu comme des sommeliers du café », explique Elsa. « On sait de quoi l’on parle ; on mise beaucoup sur la formation de nos coéquipiers, pour conseiller nos clients du mieux possible. On essaie avant tout de transmettre notre amour du café à nos équipes ».

Dans le même ordre d’idée, et en bonne Montréalaise, Elsa est fière de travailler avec des partenaires locaux de qualité. Les comptoirs de la librairie Indigo et du Time Out Market proposent ainsi les produits du Canelé Montréalais ; au Time Out, on peut également trouver les succulents beignes artisanaux de Léché Desserts. Quant aux incroyables biscuits, pâtisseries et viennoiseries qui garnissent les vitrines des quatre cafés, ils viennent de la boulangerie Bernice, dans Saint-Henri, de la biscuiterie Blonde, dans le Village, et de la boulangerie Aube d’Hochelaga. À noter que Stéphanie, la chef pâtissière derrière Aube, maîtrise également l’art des desserts sans allergènes ; cela permet ainsi au Tunnel de vous proposer des pâtisseries vegan et/ou sans gluten. On aime particulièrement le muffin vegan, qui change au fil des saisons, et surtout le fabuleux financier chocolat/noisettes – une douceur sans gluten qui justifie à elle seule la visite.

Pour les boissons, Elsa travaille avec Dam, qui fournit le lait d’amande ; avec la maison de thé Camellia Sinensis, valeur sûre ; ou encore avec Rebel Chocolates – un chocolat éthique de haute qualité. Elsa est fière de ses partenariats, et surtout fière de pouvoir mettre en avant des artisans locaux, qui concoctent – avec amour – des produits de qualité.  

De beaux projets arrivent…

À l’approche du 8 mars, on ne peut s’empêcher de se demander comment Elsa, en tant que femme entrepreneure, vit tout cela. Le monde de la restauration, encore assez masculin, n’est pas un univers facile; comme elle l’explique, elle a parfois le sentiment qu’il faut justifier d’avoir un homme dans son équipe pour rassurer. Pourtant Elsa, fonceuse, franche, décidée, sûre d’elle, connaît son business sur le bout des doigts. Une main de fer dans un gant de velours! Mais il faut, toujours, pouvoir prouver que l’on est capable. Comme le dit Elsa en riant : « de toutes façons, en tant que femme, si tu as accouché une fois, tu peux tout faire – tu n’as plus peur de rien! »

Elle-même prépare une jolie collaboration pour souligner la Journée Internationale des Droits des Femmes : dès le 8 mars, c’est en effet les torréfactrices Za et Klo qui seront à l’honneur au café.

Alors, quelle sera la prochaine étape? Un nouveau café, une nouvelle collaboration avec des gens qu’elle admire? Pour l’instant, Elsa est une entrepreneure comblée. Et pourquoi pas aller, un jour, rendre visite aux producteurs de café directement à la source? « C’est vrai qu’aller en Éthiopie, le berceau du café, ce serait complètement fou. Ou alors au Burundi… Là-bas, le café est produit par des femmes. C’est un bel exemple de women empowerment! »